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Oeuvres d’art : le droit de suite à la charge des acheteurs

par La rédaction - le 26/03/2019

La Cour de cassation vient de trancher un litige de plus de 10 ans en faveur de la maison de vente aux enchères Christie’s et juger que le droit de suite peut être mis à la charge de l’acheteur. C’est une bonne nouvelle pour les vendeurs d’œuvres d’art. Une moins bonne pour les collectionneurs.

Le droit de suite est un pourcentage versé aux artistes et à leurs ayants droit à l’occasion de chacune des reventes successives de leurs œuvres, à chaque fois qu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art.

Il permet de faire bénéficier les héritiers de la valorisation d’une œuvre au fur et à mesure des années. Par dérogation, n’y sont pas assujetties, les ventes réalisées pour un prix inférieur à 10 000 € et opérées par un vendeur ayant acquis l’œuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente. Le taux du droit de suite est dégressif en fonction du montant du prix de vente de l’œuvre, il varie entre  4% pour la tranche de prix de vente comprise entre 750 € à 50 000 €, et 0,25 % pour les ventes supérieures à 500 000 €. En outre son montant est plafonné à 12 500 €.

Un droit à la charge des acheteurs

Inventé en France en 1920, à un moment où de nombreux artistes mouraient dans la misère alors que quelques années plus tard leurs œuvres faisaient la fortune des marchands, cette mesure a bientôt essaimé à l’étranger. Une directive communautaire de 2001 a permis l’introduire dans toute l’Europe permettant ainsi d’harmoniser les législations des principales places du marché de l’art occidentales, dont Londres qui ne l’avait pas mis en place.

La directive comme la législation française précise que ce droit était acquitté par l’acheteur. Le professionnel de la vente est responsable de son paiement.

A partir de 2008, la maison de vente Christie’s a choisi de déroger à cette règle et aménagé ses conditions de vente, en prévoyant que le droit de suite puisse, pour certaines œuvres, être mis à la charge de l’acheteur. Cela a notamment été le cas pour la vente de la collection Yves Saint Laurent – Pierre Bergé, en 2009.

Un enjeu économique

Christie’s a justifié ce choix en expliquant qu’il permettait à Paris de devenir une place majeure du marché de l’art en incitant un plus grand nombre de collectionneurs à vendre leurs œuvres d’art en France. Effectivement, régulièrement les détracteurs du droit de suite s’inquiétaient d’un éventuel défaut de compétitivité face aux autres places qui ne le prévoient pas comme New York, Genève ou encore Hong-Kong. Ce choix lui assurait en tout cas un avantage compétitif du point de vue des vendeurs face aux autres maisons de ventes aux enchères agissant en France. La réaction du Syndicat National des Antiquaires et du Comité Professionnel des Galeries d’Art ne se sont pas fait attendre. Y voyant un acte de concurrence déloyale et un abus de position dominante, ces deux acteurs du marché de l’art hexagonal ont assigné Christie’s devant le TGI de Paris afin d’obtenir l’annulation des conditions de ventes litigieuses.

L’issue d’une très longue procédure

La procédure a été longue et riche en rebondissements, faisant intervenir plusieurs Cours d’appel, deux jugements de cassation dont un en assemblée plénière et un arrêt de la CJUE afin de s’assurer d’une correcte interprétation du droit communautaire.

Il est désormais établi que les opérateurs de ventes volontaires ont la possibilité de mettre le droit de suite à la charge des acquéreurs dès lors que cet arrangement a fait l’objet d’un accord contractuel, comme par exemple des conditions générales de ventes expressément approuvées par l’adjudicataire. Ils restent cependant redevables du paiement du droit de suite à l’auteur ou à la société de perception et de répartition des droits (ADAGP). Nul doute que cet arrêt va faire évoluer les pratiques de la profession. Un atout à l’heure où le spectre du Brexit voit réapparaître le risque d’une suppression du droit de suite sur la place Londonienne.

La rédaction

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